Bernard SARRUT

Biographie

Bernard SARRUT est pharmacien des hôpitaux à Paris. Il habite à l’heure actuelle entre Chartres et Illiers-Combray.

En dehors de la réalisation de cinq courts métrages de cinéma expérimental mêlant souvent musique et texte il a écrit de manière très diverse et éparse toutes sortes de formes : articles sur le cinéma d'auteur (Straub-Huillet, Duras, Tourneur, Hitchcock), des pièces de théâtre, des nouvelles, un essai sur la musique, des poèmes et enfin un roman à paraître cette année.

Deux de ses livres sont consacrés à Marguerite Duras : le premier « Marguerite Duras à contre-jour » paru en 2004 parle de sa relation amicale sur une vingtaine d'années avec cette dernière et s'attarde particulièrement sur son œuvre cinématographique, le deuxième « Marguerite Duras et le cinéma » paru en édition électronique en 2014.

 

 

 

Sortie en Septembre 2016  Lettres à l'inconnu(e) ed. Timbal

 

Textes littéraires

« Opern Stück », nouvelle parue dans la Revue des Editions de Minuit « Minuit », n°49, 1982

« Les derniers évènements théâtraux ou le théâtre du chant », texte paru dans la Revue Passe, n°2, 1991

« Musique sans cesse et table rase », collection Azyle Poétique www.manuscrit.com, 2002

« Marguerite Duras, à contre-jour », éditions Complicités, 2004

« Eclair blanc sur vert sombre », poésie in les Cahiers de l’Umbo n°12 parution décembre 2009

« Un voyage d’hiver », nouvelle, édition L’échappée belle, 2014

« Marguerite Duras et le cinéma », éditions UPPRS www.uppreditions.com (version électronique), 2014

 

A paraître

« Lettres à l’inconnu(e) », roman, éditions Tinbad, parution prévue juin 2016

« Ingrid Caven (mémoire instantané) », article, revue Les Cahiers de Tinbad, parution prévue juin 2016

 

 

Théâtre

« Les Guetteurs »

Publié dans la collection Tapuscrit Théâtre Ouvert, n°40,1986

 

Textes sur le cinéma

« Sur « La Nuit claire » et « La meilleure part », scenarii de Marcel Hanoun . »Changer le Cinéma, n° 3, 1977

 

« Sur Fortini/cani » de J.M.Straub et D. Huillet. Cinématographe, n° 33,1977

 

« Hyères 81. Cinéma Différent ». Cahiers du Cinéma, n° 329,1981

 

« L’inconscient du complet veston ».Caméra Stylo Alfred Hitchcock, n° 2, 1981

 

Barrages against the Pacific. The cinema of Marguerite Duras”.On Film, n° 11, 1983

 

« Femme Femme. » Camera Stylo Jacques Tourneur, n°6, 1986

 

« Le tournage du Navire Night. »Vertigo Hors-Série « la maison » novembre 2003

 

 

« Marguerite duras et le cinéma «   bernard sarrut (extraits)

 

Duras accompagnatrice de ses films, Duras et les festivals de cinéma

Duras pour soutenir ses enfants mal aimés que sont ses films parlera beaucoup lors de nombreuses interventions publiques. Elle accompagnera très souvent ses films en province en particulier dans les festivals de cinéma dit « différent » (Digne, Hyères,...) ou hors de France (Pesaro, Montréal, New York) où la proximité avec les spectateurs et ses admirateurs est facile. Sa parole toujours brillante et pertinente expose très clairement son entreprise et sa détermination.

 

Elle affectionne particulièrement le festival du cinéma différent d’Hyères auquel elle se rendra très régulièrement. Elle y sera tour à tour membre du jury en 1975 et 1978, primée pour Jaune le soleil (ce qui causera un véritable scandale pour la municipalité de droite), et présentatrice VIP de certains de ses derniers films (quatre de ses derniers courts métrages et Agatha) en avant-première en 1979 et 1981.

De même elle aura une tendresse particulière pour le festival de Digne où elle sera invitée permanente. Elle y présentera par exemple en 1973 La femme du Gange et Jaune le soleil, et en 1977 dans la foulée juste après Cannes Le Camion et Baxter, Vera Baxter.

 

Il est très important pour elle de doubler, de supporter par un discours toujours neuf ses films où que ce soit. Ça peut être comme par exemple à Normale Sup où elle va présenter dans une salle de cours La femme du Gange ou dans un ciné-club de Caen où elle rencontrera à l’occasion d’une projection d’India Song en 1975 pour la première fois Yann Lemée qui deviendra par la suite Andréa.

 

Elle adore assister à la projection de ses films qu’elle redécouvre souvent comme une enfant émerveillée lors de rétrospectives nombreuses et exhaustives comme à l’Action République en 1998 ou la dernière de son vivant à la Cinémathèque en 1992 où Yann Andréa est obligé chaque soir de l’arracher du lieu après la projection, tout occupée qu’elle est à parler à cette nouvelle jeunesse qui découvre ses films, cette jeunesse qui a été son premier public à l’époque de ses premiers films.

 

 

Pour Duras cet amour de l’impossible entre elle et le cinéma, son cinéma ne rejoint-il pas ces amours ou passions impossibles et infernales (16) qui lient ses propres personnages entre eux ?

 

Texte sur Marguerite Duras

 

Le texte ci-dessous a été écrit après la première projection de l’Homme Atlantique au festival d’Hyères. Marguerite l’ayant beaucoup apprécié  a tenu à ce qu’à la sortie du film à l’Escurial qui le programmait à une seule séance à 18h le texte imprimé soit punaisé dans le hall du cinéma. Pour ce film particulièrement atypique cela lui plaisait qu’une critique non officielle et non publiée l’accompagne. Au bout de quelques jours la feuille avait disparu, emmenée sans doute par un inconnu.

L ’Homme Atlantique ( 1981)

Ce texte sera court. Il correspond au film qu’il décrit. L’existence et l ’ importance de ce dernier se doivent d’être mentionnés sans en dire trop toutefois sur ce film du tout-voyant.

Ce film est une unique expérience des limites entre réalisateur et spectateur, entre celui qui aime et celui qui est aimé. Pour cette raison, ce film ne devrait pas être projeté n’importe comment. La quête d’amour demande un certain effort. Le film devrait être montré dans un petit village inaccessible, dans une salle désaffecté.

Le texte poétique qui constitue le film a atteint le point de non-retour : une mathématique des sens. Le film se déroule (plus de sa moitié est constituée de noir mais un noir mesuré à la fraction de seconde) et la vue des trous que sont les images est douloureuse. Les images nous frappent alors avec une violence inouïe, en pleine figure, et ce n’est pas tant leur contenu que leur luminosité qui nous aveugle. Une fenêtre sur la mer devient le cadre du film, deux petites fenêtres séparées par une mince pièce de bois deviennent deux images immobilisées dans le geste de donner un sursis (encore une fois) à la machine cinématographique avant qu’elle se casse, pour lui donner encore une chance et pour sauver le peu qu’il y a encore à sauver.

Une voix parle et nous dit que nous ne pouvons rien faire que voir, chercher dans l’obscurité dans l’espoir de trouver Dieu. Et le regard nous dépasse.

Une quête alchimique et mystique prend place sous nos propres yeux. Tout se remet en place : c’est l’obscurité totale et généreuse qui abrite les guerres, l’amour, Dieu. A l ‘inverse l’image filmée devient obscurité, elle n’est plus totalement compréhensible, elle semble perdue, un vestige fragile qui est vite balayé.

Le film transforme un détail, la lueur d’une rose devient un événement mondial.

L’image tombe de son cadre dans le noir de la salle. Dans cette cage vide qu’elle a abandonnée peut se déployer cette surface géante rétinienne qui se mouchette de la scintillation hallucinatoire de Dieu dont la voix s’adresse à nous à partir de la tache aveugle.

Une nouvelle ère monumentale s’annonce. Nous sommes maintenant dans l’œil du maître, dans cette cave, notre dos tourné à la lumière extérieure - et la facilité à voir est effrayante.