Geneviève IGNACE

Universitaire Membre de l'Association Marguerite Duras

 

 

 UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE 

ÉCOLE DOCTORALE III 

Littératures françaises et comparée 

T H È S E 

pour obtenir le grade de 

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE 

Discipline : Littératures françaises 

Présentée et soutenue par : 

Geneviève IGNACE 

Le 8 septembre 2015

 

L’OEUVRE DE LA DESTRUCTION DANS LES ROMANS DE 

MARGUERITE DURAS 

 

 

 

Titre : « L’écrit durassien : une autre littérature, une déconstruction pour une reconstruction, un texte « miné » par la douleur ; de la mendiante à Robert Antelme … »

 

L'œuvre littéraire de Marguerite Duras est probablement l'une de celles qui a sollicité le plus de réactions, ainsi qu'une diversité impressionnante de sentiments, allant de la fascination à la haine. Pourquoi ?

 

Il s'agit dès lors pour nous, non d'ajouter un dit aux dits multiples, mais de compléter, de poursuivre sur le chemin du dit au sujet de l'écrit durassien, afin d'éclairer encore la "maison", ainsi que Marguerite Duras se plaisait à désigner métaphoriquement le texte qui s'écrivait sous sa plume.

 

Soulignons une récurrence dans le texte durassien : le caractère destructeur, négatif, de l'image considérée dans toute sa pluralité, qu'elle soit représentation la plus concrète, de l'ordre du reflet, du miroir, du regard ..., ou rhétorique - métaphore, comparaison, métonymie ou allégorie. Mais, dans le même temps, il avoue une raison d'être : sa destruction, le cinéma devant délibérément opérer le meurtre de l’écriture.

 

Par ailleurs, que cela concerne son intériorité même, le contexte social dans lequel il évolue ou encore l'univers fictionnel où il devra « exister », l'être durassien offre l'image d'une humanité semblant condamnée à se débattre contre la Douleur ou le Désastre. Rejoignant Kierkegaard lorsque surgit le ravissement, mais aussi Pascal lorsque tout ne paraît que vide et silence, ou encore Diderot quand surgit la folie, Marguerite Duras et ses personnages rencontrent aussi et surtout Alexandre Kojève dans le lieu du Désir. Cependant, la couleur du texte durassien n'est pas aussi sombre qu'elle paraît l'être ; en effet, allant du «sentiment de soi» vers « la conscience de soi », le personnage durassien se hisse jusqu'à une certaine transcendance, même si son univers semble agressé par le phénomène de la répétition, en l'occurrence signe mortifère conformément à la « grammaire » lacanienne ; même si le texte durassien est littéralement miné par la douleur… Justement, celle-ci ne se dit pas avec les mots : elle se crie, elle se pleure ou elle se tait. Il existe donc un véritable travail de création dans l'œuvre durassienne qui donne notamment à saisir de la Douleur, ce dans une véritable cohérence, une réelle continuité, depuis Les Impudents jusqu’à ses derniers écrits, de la jeune mendiante du Vice-consul à Robert Antelme, de la fiction à la transfiguration d’un réel.

 

Non, lire ne consiste pas à entendre, mais à écouter ; écrire non à restituer simplement, mais à "respirer" la Douleur jusqu'au silence.